Dans le cadre des séances des 25 janvier et 22 février 2019, le séminaire de l’Axe 4 du CRICIS en Épistémologies critiques de la culture et de la communication a pour objectif d’interroger ce que nous entendons par le terme « critique » dans le cadre de nos propres travaux. Autrement dit, quel est la dimension critique de notre propos ? Quatre collègues se sont posés cette question en partant de leurs propres recherches.
Nous pourrons constater dans quelle mesure leurs définitions de ce qu’est la critique sont plus ou moins proches, plus ou moins convergentes.
Conférencières invitées:
- Hélène Bourdeloie, professeure à l’Université Paris 13 et chercheure au LabSIC
- Katharina Niemeyer, professeure à l’UQAM et co-fondatrice de l’International Media and Nostalgia Network
Ce séminaire est organisé par l’axe 4 du CRICIS, Épistémologies critiques de la culture et de la communication.
Ce séminaire est gratuit et ouvert à toutes et tous!
Hélène Bourdeloie : Faire du terrain en Arabie saoudite en tant qu’Occidentale féministe. Privilège ou handicap épistémique?
Résumé
D’après une enquête conduite à Riyad sur les usages du téléphone mobile intelligent (smarphone) par les femmes saoudiennes (48 questionnaires en ligne et 28 entrevues conduites auprès de Riyadiennes), l’objectif de cette intervention est de questionner mon positionnement, ma posture critique et mes caractéristiques de chercheure dans la cadre d’un terrain « sensible » et de comprendre dans quelle mesure ils ont pu l’affecter. Compte tenu du poids surplombant des normes de genre, religieuses et des hiérarchies sociales, mon enquête à Riyad a en effet supposé, de bout en bout de l’enquête, des précautions spécifiques et, après coup, un protocole d’enquête peu canonique. Sur ce terrain, mon type occidental, mon positionnement épistémologique féministe – bien que tu –, mes traits biologiques ou identitaires tels que mon âge, ma situation matrimoniale, mon sexe ou genre, ont pu tantôt constituer un privilège, tantôt un handicap épistémique. Ce sont ces relations d’enquête que je souhaite interroger selon une perspective féministe, à savoir critique, qui défend une vision « impure » de la pratique scientifique.
Suggestions de lecture
Bourdeloie H., Gentiloni Silveri C., Houmair S. (2017), « Saudi Women and Socio-Digital Technologies: Reconfiguring Identities », CyberOrient, vol. 11, n° 1,http://www.cyberorient.net/article.do?articleId=9822
Bourdeloie H. (2013a), « Les dispositifs expressifs numériques et la question des rapports sociaux de genre et de classe », in : Vacher B., Le Moënne C. et Kiyindou A., Communication et débat public : les réseaux numériques au service de la démocratie, Paris, L’Harmattan, p. 67-74. http://www.helenebourdeloie.org/Les-dispositifs-expressifs
Bourdeloie H. (2013b), « Ce que le numérique fait aux sciences humaines et sociales. Épistémologie, méthodes et outils en questions », tic&société, numéro « Mondes numériques : nouvelles perspectives de recherche », vol. 7, n° 2 | 2ème semestre 2013 : http://ticetsociete.revues.org/1500
Notice biographique
Hélène Bourdeloie est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, Université Paris 13 – Sorbonne Paris Cité, chercheure au Labsic-Labex ICCA et chercheure associée au laboratoire COSTECH (UTC). Formée en sociologie et en sciences de l’information et de la communication, elle travaille sur les usages des technologies numériques en interrogeant notamment les rapports sociaux de genre et de classe. Ses derniers travaux portent sur les usages du numérique dans le cadre d’un processus de deuil et de la survivance des données des morts. Elle travaille actuellement sur les usages du mobile connecté par les femmes en Arabie Saoudite. Dernier ouvrage : Bourdeloie H. et Chevret-Castellani (sous presse), L’impossible patrimoine numérique. Mémoire & traces, Lormont, Le bord de l’eau.
Katharina Niemeyer: Dé-penser la nostalgie (du futur)
Résumé
Nostalgie, quand tu nous tiens : entre rétro et vintage, nos coeurs balancent (ou pas). L’engouement pour le passé – ses images, objets et produits – n’est pas nouveau mais très présent depuis le milieu des années 2000; que ce soit en Afrique, Asie, en Europe ou dans les Amériques. La nostalgie nous fait dépenser (de l’argent et de l’énergie), mais contrairement aux idées reçues, elle n’est pas forcément une question du passé. Elle se noue davantage au présent et au futur; ses croisements avec l’utopie et la mélancolie sont forts et nous offre la possibilité de la dé-penser.
Les recherches portant sur la nostalgie en lien avec les technologies et les média(s) n’ont cessé d’augmenter ces cinq dernières années. Elle peut être analysée sous l’angle de la marchandisation, de l’écologie, de l’abus politique, du mal du pays (sa signification initiale) ou encore sous l’angle de la créativité artistique. Les chercheur.e.s de différents domaines universitaires interrogent la place de ce sentiment dans les communautés en ligne, ses mises en forme esthétiques ou encore sa présence dans diverses productions médiatiques telles que les séries télévisées, les jeux vidéo ou les long métrages au cinéma. Les études et réflexions montrent que la nostalgie comme thématique ou objet de recherche demande un ancrage critique et transdisciplinaire afin de saisir ses multiples facettes.
Suggestions de lecture
Heijden, van der, T. (2015) ‘Technostalgia of the Present: From Technologies of Memory to a Memory of Technologies’, NECSUS. European Journal of Media Studies, 4 (2), pp. 103-121
Niemeyer Katharina, « Désigner l’âge d’or : médias et nostalgies d’un espace et d’un temps (a)dorés », Le Temps des médias, 2016/2 (n° 27), p. 16-30. DOI : 10.3917/tdm.027.0016.
URL : https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2016-2.htm-page-16.htm
Niemeyer Katharina, « Du mal du pays aux nostalgies numériques. Réflexions sur les liens entre nostalgie, nouvelles technologies et médias », Recherches en communication, 2018 (n° 46), p. 5-16. URL: http://sites.uclouvain.be/rec/index.php/rec/article/view/10763
Notice biographique
Katharina Niemeyer est professeure à l’École des médias (Faculté de communication, UQAM) et co-fondatrice de l’International Media and Nostalgia Network. Ses travaux portent sur les temporalités médiatiques, la mémoire et l’histoire et depuis quelques années sur les question relevant de la nostalgie. Actuellement elle coordonne deux projets de recherche. Le premier porte sur les communautés nostalgiques en ligne (projet de recherche soutenu par le FRQSC) et le second interroge la médiatisation du « terrorisme » dans une perspective diachronique (projet de recherche soutenu par le CRSH).